MÉMOIRE D’INUIT TAPIRIIT KANATAMI (ITK)

Depuis un certain nombre d’années, l’ITK fait aux ministres des Finances des suggestions d’éléments à inclure dans les prochains budgets.

Malheureusement pour les Inuits, mais aussi pour le Canada dans son ensemble, nos suggestions n’ont connu qu’un succès limité.

La persévérance est un trait bien établi des Inuits. Nous continuerons de faire des suggestions parce que nous sommes convaincus qu’elles correspondent à de réels besoins des Inuits et procurent également un bon rendement aux Canadiens.

L’ITK a deux recommandations à vous faire aujourd’hui.

La première présente des idées d’une vaste portée, aux perspectives très larges, de dépenses qui donneraient une orientation fondamentale au prochain budget et dont les effets iraient bien au-delà des Inuits canadiens.

La deuxième traite de petites initiatives qui, bien qu’elles soient d’une très grande importance, voire prioritaires pour les Inuits, auraient des répercussions limitées sur les finances du pays dans leur ensemble.

Pour ce qui est des idées d’envergure, l’ITK a deux recommandations à soumettre.

L’une consiste à mieux connaître la dynamique des avantages et des coûts entre le développement économique et le développement social des peuples autochtones. L’autre se rapporte aux coûts qui, on le prévoit, résulteront des modifications apportées au système de justice pénale.

Les planificateurs budgétaires, et tous les Canadiens, auraient avantage à mieux comprendre deux questions d’importance vitale, à savoir :

·         Quels types d’investissements doivent être consentis pour avoir une réelle possibilité de refermer l’écart de conditions de vie entre les Autochtones et les autres Canadiens, d’ici une ou deux générations?

·         Compte tenu du fait que l’économie canadienne va devenir de plus en plus dépendante des contributions des jeunes Autochtones, quels seront les coûts prévisibles pour la société canadienne si ces écarts ne sont pas refermés?

Par le passé, on a assisté au Canada à un certain nombre de tentatives pour régler ce problème, ainsi que d’autres semblables, au moins en partie.

Certaines de ces démarches, par exemple la Commission royale sur les peuples autochtones, d’une durée de plusieurs années et d’un coût de plusieurs millions de dollars, ont mené leurs activités d’une manière expansive et abordé de multiples thèmes, ce qui a peut-être réduit la possibilité de se concentrer sur la relation intime et dynamique entre le développement économique et le développement social.

D’autres processus tels que l’Accord de Kelowna de 2005 sont devenus mêlés à d’autres problèmes politiques et électoraux.

Les problèmes de sous-développement économique et de détresse sociale seront toujours difficiles à traiter de manière détachée et en s’appuyant sur les faits.

Mais l’expérience montre aussi que, lorsque les présuppositions et l’esprit partisan peuvent être mis de côté dans la conception des politiques publiques, un consensus solide et pragmatique peut émerger parfois quant à ce qu’il faut faire. Les excuses au sujet des pensionnats indiens et l’adoption de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones des Nations Unies sont de bons exemples dans le domaine des politiques autochtones.

L’ITK recommande que le ministre des Fiances demande à son ministère de réaliser un examen objectif des deux questions que je viens de poser et de faire ensuite rapport à ce comité sur les résultats de cet examen.

La seconde suggestion à portée générale de l’ITK concerne les modifications proposées au système de justice pénale du Canada, qui aurait pour effet une très forte augmentation du nombre de personnes incarcérées dans les établissements correctionnels, dont un nombre disproportionné seraient des Autochtones. Les estimations des coûts prévus de ces modifications vont de 4 à 10 milliards de dollars.

Les Inuits connaissent très bien les souffrances créées par la criminalité. Comparativement aux autres Canadiens, nous sommes témoins de beaucoup plus d’actes criminels dans nos communautés et, contrairement à d’autres territoires, les taux de crimes violents ne sont pas en déclin. Toutefois, rien n’indique que la réaffectation des dépenses fédérales vers une expansion massive du système carcéral aura pour résultat des collectivités plus sûres.

Et le fait que des sommes colossales ne pourront pas être investies dans la prévention du crime et les programmes de réhabilitation des criminels – santé mentale, traitement des toxicomanies, besoins spéciaux en éducation, counseling des jeunes – aura pour résultat un nombre accru de vies à la dérive ou gâchées.

L’ITK recommande de stopper l’expansion prévue du système carcéral, de ne pas apporter les modifications connexes au Code criminel et de réaffecter une part importante de ces ressources budgétaires au renforcement des activités de prévention du crime, en mettant particulièrement l’accent sur les jeunes et l’éducation, les programmes de formation et les programmes de santé dans les établissements correctionnels existants.

Je passe maintenant à des recommandations davantage axées sur les Inuits et je prie le Comité d’envisager de financer trois initiatives en particulier :

·         10 millions de dollars sur cinq ans pour la mise en œuvre de Les premiers Canadiens, les Canadiens en premier : La Stratégie nationale d’éducation des Inuit

·         15 millions de dollars sur 5 ans pour un élargissement des programmes de santé mentale dans les quatre régions (le Nunavut, le Nunavik dans le Nord du Québec, le Nunatsiavut dans le Nord du Labrador et la région désignée des Inuvialuit des Territoires du Nord-Ouest) qui forment notre terre natale, Inuit Nunangat.

·         300 millions de dollars pour un programme intensif de construction de nouveaux logements dans les quatre régions inuits.